Du statut de quelques langues amérindiennes

Au-delà de la vieille Europe et de ses principaux groupes linguistiques qui nous sont familiers, il est parfois bon de décentrer notre regard sur des peuples aux origines différentes dont l’Histoire s’est imbriquée bien malgré eux dans les méandres de la conquête du monde par les puissances occidentales dans la seconde moitié du deuxième millénaire.

Cela a commencé dès l’arrivée d’un certain Christophe Colomb à ce qu’il appelait alors « Les Indes », et que le Vieux Continent n’a pas mis très longtemps à considérer comme sa propriété. Cela a commencé dans un coin très central de l’Amérique que l’on a ensuite nommé les Caraïbes. A l’invasion succéda la destruction, et à la destruction la colonisation et l’assimilation. Les guerres d’indépendances devaient suivre, mais quelque chose s’était déjà brisé à tout jamais dans l’engloutissement des civilisations, des peuples et de leurs patrimoines, notamment linguistiques…

À l’heure actuelle, les langues majoritaires que l’on parle sur l’ensemble du continent américain sont issues de la colonisation européenne, plus ou moins déformées par le fil des siècles. Comme souvent, les langues originelles de ces peuples ont disparu ou beaucoup régressé pour n’être réduite qu’à une portion congrue voire folklorique.

Pour autant, le constat n’est pas si noir qu’on pourrait le croire. L’exemple le plus emblématique est sans aucun doute celui de la Bolivie, pays dans lequel on compte trente six langues officielles. Quoi d’étonnant pour un pays encore majoritairement peuplé de Quechuas, d’Aymaras, et de métis ?

De la même façon, le Pérou compte trois langues officielles, le quechua, qui était la langue courante de la civilisation inca, aujourd’hui parlée par neuf millions de personnes, l’aymara, qui date aussi de cette époque et compte encore plus de deux millions de locuteurs, et, bien sûr, l’espagnol.

A un degré moindre, l’Equateur a officialisé la langue quechua, comptant plus de deux millions de locuteurs dans le pays ainsi que la langue shuar, une langue jivaro que parlent encore quelques dizaines de milliers de personnes.

Le Paraguay a quant à lui donné un statut officiel à la langue guarani, une langue parlée par cinq millions de locuteurs et bien plus de la moitié des habitants du pays. De quoi faire envie à bien des langues minoritaires !

Le Mexique fait quant à lui bande à part, car s’il n’admet aucune langue officielle, les langues dites indigènes sont considérées, à l’instar de l’espagnol, comme des langues nationales que l’Etat est, du moins en théorie, tenu de préserver et de promouvoir.

Source, Proel, Promotora Española de Lingüística
Source : Proel, Promotora Española de Lingüística.

Toutefois, cet excellent bilan pour la reconnaissance de quelques-unes des langues amérindiennes ne doit pas servir à masquer la tragique réalité de groupes linguistiques menacés, de langues locales en voie d’extinction et pour beaucoup, déjà éteintes, car inextricablement liées à la persistance des peuples dont elles sont issues, et force est de constater que les langues amérindiennes, au nord comme au sud du continent, ne persistent que tant que le peuple existe.

La conquête européenne des Amériques a indubitablement porté un grand coup à ces groupes linguistiques, et le temps a parachevé son œuvre. Il nous reste à souhaiter que la prise de conscience générale de l’intérêt patrimonial de ces cultures sera plus fort que tout ce qui conduit à leur disparition.


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